"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant où l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses" (Milan Kundera, La vie est ailleurs)

mercredi 24 mars 2010

Du kangourou au kiwi

Le voyage a dévoré mes ambitions d'écriture aussi rapidement que Jonas dévore une boite de cookies.
Les images, les rencontres, les émotions s'enchainent a une vitesse folle au point d'asphyxier le temps du récit. J'ai encore la tête au Vietnam alors que mes pieds parcourent déjà le pont de la rivière Kwai au nord de la Thailande...

Je suis maintenant en Nouvelle-Zélande. Il y a deux jours j'étais a Sydney ! (ouuh Govou)
J'ai l'impression d'avoir vécu cent routes, parcouru cent vies en une poignée de semaines. Jonas et moi-même redoutions l'idée de ce rythme effréné.
En réalité l'expérience est grisante. Indigestion émotive. Saturation des sens.

J'ai délaissé le blog c'est vrai... Me voila désormais contraint de passer du kangourou au kiwi.

Les derniers jours vietnamiens furent éblouissants. Alors que Jonas filait vaillamment vers Ho Chi Minh, je suis resté avec Niklas et Viktor a Hoi Han quelques jours.
Hoi Han est une ville touristique, mais une ville délicieuse. De longues plages inégales bordent la côte, les plages d'une mer métallique, la mer de Chine... Dans la chaleur tiède du soir, familles et amis s'y réunissent pour dîner à la lueur des bougies, assis sur de grands tapis rouges.
Plus loin la route,lavée par le sable, se rétrécit et devient plus difficile. Elle mène à l'embarcadère de l'île de Cham.

J'ai passé quatre jours sur cette île de pêcheurs en compagnie de la doublette suèdoise. C'est un paradis terrestre, une beauté sauvage, exotique. Ses plages jalouses nous ont retenus plus longtemps que prévu. Cham ne tolère qu'un petit village, son marché, son école et sa pagode. J'ai eu un coup de foudre insulaire.
Qu'est ce qu'on peut bien faire sur une île presque déserte en compagnie de deux suédois?


Bronzage et farniente? Evidemment. Sauf qu'on a tente le bronzage allemand (du bist rot mein herr) par la grâce d'une crème solaire made in Vietnam, laboratoire Grandier, indice 90 waterproof a base d'huile de napalm;
On joue au foot avec une dizaine de mômes envahissant les plages à la fin de l'école;
On parle avec Pierce Brossman (et sa femme Marie...) de la culture vietnamienne et du dernier James Bond (non je déconne)
On chante "la vie ne vaut rien" de Souchon micro à la main devant une cinquantaine de milliardaires vietnamiens qui se réunissent sur les plages de Cham pour y célébrer, autour d'un grand feu, la nouvelle année (ça c'est vrai par contre...)
On passe la nuit dans des hamacs sous un tapis de crabes... (que Niklas mange vivants; vraiment pas tranquilles ces scandinaves); et on déguste des paniers de coquillages au petit dèj.

Une fois de plus on ne voulait pas partir. Mais toutes les bonnes choses ont un fin. La traversée houleuse, ça tangue et ça gicle. Les mines sont ternes, les yeux sur le sol, les ventres secoués. Pour nous ça va, ça rigole, ça parie même. Une bière sur le prochain malade! Le prochain champion gastrique, au jet magnifique, mêlant son repas à l'écume, au grand bonheur de la cruelle engeance et des poissons. "Oh she did!"
Nous regagnons le centre en Minsk, ces vigoureuses motos soviétiques avec autant de gueule que de kilomètres.




Je rejoins le lendemain Jonas à Saigon, après 17 heures de sleeping bus (couchettes de 1m12....certainement un bus de hobbits) et une heure de galère pour trouver son hotel. Je traverse la ville à pied avec mon gros sac sur le dos, dégoulinant jusqu'aux doigts tenant le papier sur lequel figure l'adresse diluée. En traversant la route, mon sac accroche un câble électrique, entraînant avec lui l'enseigne d'un salon de coiffure qui se fracasse par terre. Je me fais incendier de jurons par une demi-douzaine de vietnamiennes sorties de la boutique. (je perds 50dB. L'année prochaine je suis dans la classe de Jonas).
Je trouve enfin la ruelle de l'hôtel. Je reconnais tout de suite Kimberley, la vieille russe, fidèle compagne à l'oeil ruiné, gueule d'Oural, une affiche collée aux côtes.
Je croise Jo dans le Hall. Il commençait à flipper de ne pas me voir arriver. Nous asseyons notre amitié dans un bar, devant une bière à 30 centimes, entre anecdotes de voyage et fous rires.


Retrouvailles de courte durée. Le lendemain je quitte nostalgique le Vietnam pour Bangkok. Bangkok la furieuse, la ville de tous les excès.
Le bus me dépose à Koasan Road. Un glaire craché au milieu de pagodes magnifiques. Je déteste ce coin. Mais ca vaut le coup d'oeil. L'atmosphère est malsaine. La rue est bondée de touristes. Ca pue le fric. Seuls sont thailandais les vendeurs de Nike, de caleçon Calvin Klein et de shorts Quicksilver. De vieux occidentaux font leur shopping sexuel. Une rue sponsorisée, un mélange de techno parade, d'alcool et de prostitution. L'antithèse de l'authentique.

Je traverse le lendemain la ville a pied et en bateau, parcours les marchés, les lieux cultes. La vraie Bangkok est pleine de charme. Je sympathise avec un autrichien, Walter, avec qui j'assiste à un incroyable festival de danse traditionnelle en fin d'après-midi.

Il me reste 3 jours avant mon départ pour l'Australie. Je décide donc de partir a Kanchanaberi, lieu historique puisque c'est dans ce village que fut construit, détruit, recontruit le pont de la rivière Kwai. (the bridge over the river Kwai... petite dédicace)
L'auberge où l'on me dépose longe la rivière. Irréel. Je passe la nuit sur une maison flottante. Un rêve de gosse.



Ma première pensée va évidemment à Jonas. Je suis triste qu'il ne soit pas là, il aurait adoré. Je pose mes affaires et plonge dans l'onde chargée d'histoire et d'algues. Je fonce ensuite voir le pont. Le soleil se couche doucement sur Kwai river, un vieil homme joue la musique du film culte au violon. J'ai envie de suivre la voie de chemin de fer infiniment. Un groupe de japonnais me prend en photo avec eux (j'ignore toujours pourquoi mais je rigole encore en y pensant, surtout quand on a fait le tchoutchou).



Le soir je parcours le village déserté. Des ados jouent au foot au pied du pont. Ils m'invitent a rentrer dans le match. Je me donne a fond. 26e minute, je récupère un ballon, dribble la défense et fait trembler les filets (le mur). Maillot sur la tête, bras écartés ( Pauleta, l'aigle des Acores). Tour de stade... Les gamins sont morts de rire, ils applaudissent. Ces petits enfoirés miment ensuite mon show pour n'importe quelle action. Je suis fusillé, je rentre me coucher sur l'eau, les pieds en sang, incrustes de morceaux de verre. En pleine nuit je me réveille en panique. Un tremblement de terre? Non, un bateau qui passe...

Je passe ma dernière journée dans le parc national. Dans les sublimes cascades turquoises qui s'étendent sur 7 niveaux. Je dilue les heures dans l'eau.



Les gros poissons gris qui m'entourent ne se gênent pas pour déguster mes jambes en sushi.

Je rentre le soir a Bangkok rejoindre une nouvelle fois mon acolyte enfin arrivé. Nous sommes le 10 mars. Vol pour Sydney à 17h10. Vincent, mon pote toulonnais, nous attend déjà la-bas...